Chantier participatif au jardin de la bibliothèque d’Orbey

Par une belle matinée ensoleillée, les courageux jardiniers et jardinières ont entamé la construction de la serre. Nous avons aussi nettoyé et aménagé une petite butte de culture au fond du jardin. Elle est recouverte d’une bâche noire jusqu’à la plantation de plantes à fort développement car il y a plein de liseron et de renoncule dedans !
Les bacs en bois ont été amendés de compost : semis de plantes coureuses prévus en mai. Quelques ronces ont disparu sous la lame du sécateur…
Merci à toutes les petites et grandes mains !

Dominique, jardinière à Orbey

« Peu à peu, le potager a pris le dessus »

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Dans le jardin de Dominique situé à Orbey-Pairis, je vais de surprises en découvertes : buttes de cultures, serres, cultures en carrés et en pots, petits fruits, fraisiers en terrasses, belles aromatiques poussant çà et là… C’est un régal pour les yeux !
Exposées au sud, les cultures bénéficient aussi de la fraîcheur de la forêt et de la rivière. Les légumes côtoient les fleurs et à la question : « Est-ce que tu pratiques les cultures associées ? », Dominique répond : « Je plante au feeling… ». Le résultat vaut le coup d’oeil et la diversité est grande : radis noir, rhubarbe, choux, soucis, betterave, pâtissons, bourrache, courgettes, salades, haricots, céleris-branches…
Une butte est dédiée aux courges seules qui sont magnifiques : potirons, butternut et potimarrons. Une petite serre m’intrigue car elle est entourée de topinambours qu’il faut écarter pour y pénétrer. À l’intérieur, des grappes de belles tomates précoces mûrissent tranquillement. « Les tomates on ne s’en lasse pas. On en mange tous les jours et je confectionne plusieurs dizaines de bocaux. » Avant de poser la structure de la serre, Dominique et son complice au jardin ont creusé là un gros trou qu’ils ont rempli de fumier et recouvert de terre. Les jeunes replants de tomates que la jardinière bichonne pendant quelques mois seront plantés couchés et recouverts de terre. Est-ce le secret pour récolter une tomate ananas de 650 gr. ?
Dans l’autre serre où la terre est surélevée, je découvre de belles aubergines plantées en pot (« elles réussissent mieux »), des poivrons, des tomates et des salades qui se resèmeront au printemps. Le plastique est enlevé en hiver pour que la terre s’imprègne bien d’eau.
Ailleurs c’est une magnifique ciboulette, de superbes sauges, un généreux pêcher, des asperges vertes ou encore un chou Kale dont on ne récolte que les feuilles.
À bien des égards, ce potager démarré il y a 13 ans adopte une vision permaculturelle : diversité et rusticité des végétaux, recyclage sur place de tous les déchets, arrosage réduit, objectif affiché d’autonomie alimentaire. Si cette autonomie en légumes est aujourd’hui de 5 mois, l’idée est de la prolonger en cultivant en hiver poireau, oignon, salade et carotte sous châssis et dans une serre accolée à un bâtiment. « Car nous sommes des gros consommateurs de légumes et j’aime cuisiner !  »
C’est un vrai plaisir de parcourir tous ces espaces cultivés et riches en butineurs. Bien qu’en fin de saison, les buttes de cultures offrent une belle mosaïque végétale. Merci Dominique pour cette visite et fais-moi signe lorsque tu récolteras les premiers kiwaïs * !

Une histoire de famille :

« Je suis née ici. Petite, j’étais déjà au jardin. Mon père était paysan-hôtelier. Il avait une vache, des poules, un cochon et… un grand potager. Nous avons aussi eu des chevaux et des moutons. On s’occupait des bêtes et aussi des clients ! L’hôtel qui avait 21 chambres était ouvert de Pâques jusqu’à fin septembre. S’il fallait ramasser le foin en cas d’orage, on lâchait les clients ! »

L’autre Dominique :

Il est le mari super bricoleur, ingénieux et avec un intérêt fort pour l’autonomie alimentaire et énergétique. En témoigne le magnifique bâtiment basse consommation qui occupe une partie du terrain. « Il sait organiser et trouver les solutions. Il assure les gros travaux et les aménagements ». Une aide fort précieuse pour une jardinière !

Les buttes de cultures :

Elles ont été aménagées car le sol est très caillouteux. Elles sont remplies de matériaux divers : branches, planches pourries, compost, fumier de cheval, herbes des parcs à escargots, terre. Elles sont régulièrement « nourries » de végétaux divers : feuilles mortes, déchets de récolte, épluchures et herbes indésirables. Le sol est ainsi toujours couvert, ce qui assure la fertilité de la butte. Sur la nécessité des buttes ou pas ? « À chacun de voir quel terrain il a ! »

Une jardinière astucieuse :

Pour éviter la voracité des limaces, les jeunes plants sont protégés par un seau sans fond ; les petites salades sont mises à l’abri dans des bouteilles coupées en deux ; peu de semis, beaucoup de repiquages (à cause des limaces, encore et toujours !) ; un arrosage très réduit grâce à la couverture permanente du sol ; des semis de courgettes étalés dans le temps pour une récolte prolongée ; des coquilles d’escargots écrasées pour drainer le fond des pots et jardinières.

Récolte de paroles :

« Mon premier réflexe en arrivant ici, ça a été le jardin de fleurs vivaces. Je me sentais bien dans le jardin. »

« L’écologie, la biodiversité… ce sont nos enfants qui ont commencé à en parler. C’est venu naturellement. »

« Je me sens bien dans les choses simples. Dans le jardin il n’y a pas de contrainte de temps ou sociale. »

« Nous aimerions ralentir à tous les niveaux. »

* plante grimpante vigoureuse qui produit des fruits ressemblant à des petits kiwis. Elle résiste très bien aux fortes gelées.

(Photos FJ, 2015)

Au jardin de la bibliothèque d’Orbey…

Notre association ainsi  que  l’association La Courte Échelle ont investi le jardin de la bibliothèque cette année. Au programme de l’automne :  un grand nettoyage des bacs de culture en bois, un désherbage manuel et collectif du futur emplacement de la serre, la création d’une allée empierrée et l’aménagement d’une étroite bande de culture le long du grillage. Merci à la commune d’Orbey pour la mise à disposition de ce jardin et son soutien logistique. Et un grand merci à tous les petits et grands jardiniers bénévoles !

Rendez-vous ce printemps !

Cécile, jardinière à Orbey

« Je vais dans mon jardin, je suis bien, je suis sereine. C’est la plénitude. »

Voilà une jardinière que je connais bien et qui m’a beaucoup appris. Cécile, figure des Hautes Huttes, cultive des jardins depuis toujours. « Déjà toutes petites filles on participait au jardin. Maman s’en occupait et papa bêchait. On achetait pas de légumes. C’était comme ça. »

À l’époque on cultivait surtout des légumes qui étaient conservés par lacto-fermentation. Cécile aimait bien les tasser avec ses pieds dans des tonneaux en bois. Au total : 1 tonne de compiche (feuilles vertes du chou), 1 tonne de choucroute et 1 tonne de rutabagas / carottes en mélange. On faisait aussi pousser beaucoup de patates et une sorte de blé noir semé en automne, le Tremsau.

Tout au long de sa vie, Cécile a gardé un lien avec la terre. Son mari Jean est forestier, comme son beau-père qui possédait déjà un grand jardin cultivé et des animaux. « Mon mari avait la passion du jardinage plus que moi et les maisons forestières étaient à l’époque des fermettes. » À Courtavon, on a ramené de la terre pour créer un jardin ». Un jour, quelqu’un lui lance : « On a jamais vu une femme de forestier pousser une brouette ! »

C’est en 1967 qu’elle revient dans la ferme familiale des Hautes Huttes à Orbey. « On a continué le jardin et on a fait un champ de patates. On a eu jusqu’à 150 poules, des vaches et beaucoup de lapins. Jean avait des abeilles. Il disait que c’était le miel qui l’avait sauvé lorsqu’il était prisonnier en Russie ».

Aujourd’hui Cécile jardine pour le plaisir et pour « manger sainement ». « Je n’utilise aucun pesticide ni engrais car on peut avoir de beaux légumes sans tout ça ». Engrais verts (phacélie, moutarde), purin de consoude et vieux fumier de vache lui assurent de belles récoltes : carottes, navets, choux, poireaux, oignons, échalotes, choux-raves, céleris, bettes, courgettes, potimarrons et « toutes sortes de salades ». Elle pratique la rotation des cultures tous les deux ans. Pas besoin de plan car elle fait une photo du jardin dans sa tête ! Quant aux tomates, elles poussent à l’abri dans une serre fabriquée avec d’anciennes fenêtres. Très pratique lorsqu’il faut ouvrir la serre…

Et que dire des fleurs ? Une passion qu’avait déjà sa maman. « Je n’achète pas de fleurs et je fais toutes mes boutures ». Les dahlias et fuchsias sont rentrés en hiver. Les insectes butineurs se régalent de toutes les fleurs semées ou qui se resèment seules comme le généreux et coloré muflier.

Cette jardinière d’une vitalité exceptionnelle avoue qu’elle ne pourrait jamais se passer de ses jardins. « J’y suis tous les jours ». Et même pour cueillir la mâche, elle n’hésite pas à pelleter la neige !

Merci Cécile pour ta belle énergie et tout ce que tu nous transmets !

Souvenirs d’autrefois :

« On allait faner au Lac Blanc. Maman ramenait une salade de chou, de la tisane et des crêpes de cerises. Les crêpes de cerises, j’pouvais plus les piffer ! »

« On ne mangeait pas tant de viande que ça si ce n’est un pot-au-feu le dimanche. Maman passait la viande dans l’eau vinaigrée avant de la cuisiner. »

« Les gens refaisaient leurs semences de patates et semaient à la houe. Il en fallait beaucoup pour les cochons ».

« Le cheval c’était notre tracteur. On lui faisait manger un mélange de paille hachée, de son, de petit lait et d’eau chaude ».

« Papa avait fait un gros trou dans le jardin qui était rempli de paille. C’est ainsi qu’on conservait les légumes ».

Photos FJ / été – automne 2015

Portrait de Gilles, jardinier à Orbey

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« Le jardinage, c’est une forme de méditation »

Perché à 650m. d’altitude, les jardins de Gilles offrent un magnifique panorama. Il y a là 10 ares de cultures. Une grande surface qui permet à la famille d’être autonome en légumes. Avec deux végétariennes à la maison, mieux vaut assurer ! C’est Viviane qui transforme et cuisine les récoltes déposées par seaux devant la porte d’entrée. Ce jour-là, elle mitonne des lasagnes de légumes…

Gilles est né et a grandi ici, au lieu-dit Hambout. Sa passion du jardinage, elle remonte à l’enfance. « Ma maman avait 4 jardins. Elle adorait ça et il fallait même la freiner. » À l’époque, les enfants devaient aider à la ferme. « Petit à petit j’ai pris goût au jardinage.  » Il y avait aussi des champs de blé, de patates, ainsi que des arbres fruitiers. Beaucoup d’arbres fruitiers. Un patrimoine arboré que Gilles préserve en greffant des variétés locales, un savoir-faire transmis par son père. Pommes, cerises, noix, pêches, abricots, nectarines et coings : un véritable verger d’Eden ! « Cette année nous avons mangé les dernières pommes début mai ».

Dans une grande serre où Gilles commence à semer mi-février s’épanouissent des grappes de tomates, de délicates aubergines et de beaux poivrons. Depuis cette année tous les plants sont paillés, ce qui limite le désherbage et l’arrosage par micro-aspersion. Une roquette délicieuse fleurit et un plant de courgette n’en finit pas de grandir.

Si la terre légère du Hambout est bien adaptée aux légumes-racines (carottes, navets, panais), elle accueille très bien aussi les choux, haricots, salades, courges et courgettes, pois mangetout qui seront soit congelés, lacto-fermentés ou mis en silos. Et surtout, « mangés ultra-frais, car ces légumes n’ont pas le même goût qu’en magasin. » Ce jardin est une mosaïque végétale d’où surgissent çà et là des amaranthes pourpres, si jolies dans les bouquets. Le maïs a fière allure, juste à côté d’une grande planche de phacélie qui bourdonne. S’il n’y avait que les butineurs, tout irait bien… car il y a aussi les limaces, « la seule bête qui me pose problème ». Pour limiter sa voracité, Gilles débute les semis au milieu du jardin. Tout autour du jardin, il a mis en place un cordon fleuri pour les stopper un peu… Contre la serre, un grand semis de moutarde dont elles raffolent les attire. Quant aux rongeurs, ils sont de plus en plus nombreux. Il inonde les galeries, histoire de les freiner un peu… Les chevreuils qui viennent de plus en plus tôt dans l’année ont mangé tous les fraisiers ! Malgré cette concurrence assez rude, Gilles ne conçoit pas de vivre sans jardin. Il y passe « 3 h. par jour en pleine saison », même en privilégiant des cultures pratiques qui ne prennent pas trop de temps, « comme le potimarron qu’on déguste encore en avril ».

« L’état d’esprit dans lequel on fait un jardin compte. Il y a une conscience. » C’est un bel esprit qui souffle dans ce magnifique jardin où il fait bon flâner… merci Gilles pour cette belle découverte.

Préparation de la terre : Gilles utilise une fraiseuse pour ameublir la terre. Il sème des engrais verts comme la moutarde, le trèfle et la phacélie. Le compost et du fumier de cheval mûr sont épandus en automne. La rotation des cultures permet de ne pas épuiser le sol et d’éviter trop de maladies. Aucun traitement ni granulés quelconque, si ce n’est de la bouillie bordelaise sur les tomates et les aubergines.

Autonomie partagée : un morceau de jardin est cultivé par des membres de la famille. Et Viviane et Gilles donnent beaucoup… Je repars moi-même avec tomates, salade, poivron et concombres !

« Jardinier-voyageur » : « C’est parfois dur de partir en vacances quand on a un grand jardin. Quand on est partis en camping-car, on l’avait blindé de légumes. Une chenille cachée dans un chou a voyagé avec nous ».

(photos FJ)