Compte rendu de la conférence sur les pesticides du 5 juillet à Kaysersberg

Une conférence s’est tenue au Badhus à Kaysersberg une conférence – débat sur le thème : « Pesticides, quels impacts sur l’environnement et la santé ». Cette conférence était organisée par l’association « Pas à Pas, vallée de la Weiss en transition » dans le cadre de la campagne nationale « Nous voulons des coquelicots ». Cette campagne, comme l’a rappelé en introduction Pas à Pas, vise à l’interdiction de tous les pesticides de synthèse, d’ici 2020
Les deux intervenants, sont, comme ils ont tenu à le signaler d’entrée de jeu, des généralistes ; d’une part en agro écologie, pour Mr Christian Bockstaller, ingénieur à l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) et d’autre part en médecine générale, pour Mr Rémy Mazurier.

La conférence a démarré par les aspects environnementaux avec Mr Bockstaller qui a tenu a préciser qu’il n’avait aucun lien ni contact avec quelque lobby que ce soit et qu’il était là pour montrer, preuves scientifiques à l’appui, le pour et le contre de l’utilisation des pesticides.
Il a d’abord brossé un rapide tableau de l’évolution de l’agriculture dans les dernières décennies, avec la découverte des pesticides et les progrès de la mécanisation qui ont conduit à une intensification de l’agriculture, ayant des effets secondaires économiques, sociaux et environnementaux. Puis il a expliqué que sous « pesticides », on entend  « produits phytosanitaires » ou « phytopharmaceutiques » (en fonction du Ministère qui en parle ! ) ; ce sont des substances actives accompagnées d’adjuvants . Et ce sont souvent ces adjuvants qui posent problème, car leur formule est tenue secrète par les entreprises et ils sont souvent plus dangereux que la substance active.

Lors des traitements, seule une petite partie touche la cible (en particulier lors de la pulvérisation, seuls 5% atteignent la culture). Le reste pollue, l’air, les sols et l’eau. Les autres risques majeurs viennent des problèmes de manipulation : ces deux problèmes produisent des pollutions ponctuelles. Les expositions répétées aux pesticides ont des effets à long terme. Il faut aussi prendre en compte la durée de « demi vie » des produits, c’est – à – dire le temps qu’il faut pour dégrader 50% de leur activité. Par exemple, la roténone se dégrade très vite. Un autre effet des pesticides est la stérilisation des sols ; or, il se trouve que, de ce point de vue, le cuivre (autorisé en agriculture biologique) est d’après M. Bockstaller plus nocif que le glyphosate. D’ailleurs, ce dernier, s’il était utilisé à bon escient et en dose minime, pourrait être utilisé dans une agriculture dite « de conservation », qui permettrait la transition vers une agriculture sans pesticides. C’est ce que préconise l’INRA.

Mr Bocksatller a terminé son propos sur cette affirmation : il n’est pas possible de supprimer d’un coup les pesticides ; par contre, il est souhaitable d’accompagner les agriculteurs vers une agriculture extensive, biologique, ce qui suppose un système d’exploitation plus complexe. Il faudra que le consommateur accepte aussi de payer le prix de ce changement et évolue vers une alimentation moins carnée ou issue de l’élevage.

Puis ce fut au docteur Mazurier d’aborder les problèmes de santé. L’association nationale dont il est membre (Alerte Médecins Pesticides) a pour but la protection de la santé et de l’environnement face à l’utilisation des pesticides. En premier lieu, il s’agissait pour cette association de protéger les agriculteurs.

En dehors des agriculteurs – qui sont les premiers contaminés – il y a des effets des pesticides sur les « riverains » c’est à dire les personnes habitant des zones proches des cultures où sont épandus les pesticides. S’il y a peu de contamination aux organochlorés interdits depuis longtemps, les intoxications aux organophosphorés et aux pyréthronoïdes sont très importantes. Ce sont surtout les contaminations des femmes enceintes qui ont des effets sur le foetus et donc sur le bébé qui va naître. Ces intoxications vont provoquer des retards de croissance avec diminution du périmètre crânien, de l’asthme, des baisses de QI, des tumeurs cérébrales et d’autres pathologies. Il a été établi scientifiquement une corrélation entre la maladie de Parkinson et les pesticides. Cette maladie est reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs depuis 2012.

Les populations les plus vulnérables sont les femmes enceintes, les jeunes enfants et les adolescents, car les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire qu’ils perturbent le bon fonctionnement du système hormonal.

Ne pouvant expérimenter les effets des pesticides sur l’homme, prouver leurs effets sur la santé se fera au terme de nombreuses années, même s’il apparaît fortement une corrélation entre l’exposition aux pesticides et certaines maladies. La question n’est pas : « Est-ce que c’est dangereux ou pas? », mais «  Qu’est-ce que je suis prêt à accepter pour…? »

Le docteur Mazurier a terminé son intervention par la citation suivante :

« Tout travail scientifique est susceptible d’être bouleversé ou modifié par l’avancée des connaissances. Cela ne nous donne pas pour autant la liberté d’ignorer les connaissances dont nous disposons déjà, ni de retarder les mesures qu’elles semblent réclamer à un moment donné » (Sir Bradford Hill, 1965)

Suite à ces deux interventions, la parole a été donné à la salle pour un débat respectueux, riche des interventions des uns et des autres.

La soirée s’est terminée autour d’un verre de jus de pommes et de pâtisseries.