« Mes premiers souvenirs d’enfance sont dans un jardin. »
« Le jardin on a grandi avec, je ne peux pas m’imaginer vivre sans. »
Marie-Jeanne a trois jardins au lieu-dit Schoultzbach à Orbey. Il y a le jardin du Plateau, le Petit jardin et le Jardin du bas. Sa mère et son grand-père l’emmenaient depuis toute petite au champ et au jardin. À l’époque, il n’y avait pas de nounou et cultiver était une nécessité pour se nourrir. « Jusqu’à 14 ans, j’ai connu que le cheval. »
Aujourd’hui l’autonomie de sa famille n’est pas complète mais « on tend vers ça ». Pommes de terre, courges, pois, concombres, choux, poireaux, cornichons, raifort, sarriette, ciboulette et autres verdures occupent les jardins de Marie-Jeanne. Elle fait toutes ses semences de pommes de terre et dit avoir autant besoin des fleurs que des légumes. Aussi fleurissent l’oeillet des poètes, la bourrache, les lys ou encore le bouillon blanc. Beaucoup de petits fruits se plaisent dans cette terre pauvre de montagne : cassis, groseilles, fraises et framboises. Ces dernières donnent surtout en automne. Marie-Jeanne confectionne confitures et sirops. Et aussi de nombreuses conserves.
La serre aménagée dans la pente comprend des petits carrés de cultures relevés par des planches. Une manière originale et esthétique de s’adapter au terrain. Une magnifique chicorée fleurit là. Une pomme de terre Vitelotte repousse depuis 15 ans à l’entrée de la serre : plus qu’à récupérer les semences qui ont eu le temps de s’adapter au site !
Et un peu plus loin une belle surprise : un petit conservatoire de céréales anciennes. Blés, épeautre et Aegylops semés dans des petits carrés et qui s’élancent vers le ciel. Quatorze variétés mûrissent là et les épis sont de toute beauté ! Les semences seront envoyées au Réseau Semences paysannes * qui les conservera. Conserver le patrimoine végétal et génétique est essentiel pour préserver ce bien commun que sont les semences. « Ma mère avait un savoir des semences qu’elle m’a transmis ». Et c’est bien là une passion chez Marie-Jeanne : perpétuer des variétés de végétaux rustiques. Cette jardinière qui aime « savoir et apprendre » rêve d’avoir un champ où elle cultiverait 2 ou 3 blés anciens.
D’autres belles curiosités s’offrent au regard comme le Chardon à carder ou encore un chou au feuillage dentelé dénommé « Red ursa » à la fois esthétique, goûteux et résistant. Bien souvent les plantes proviennent d’échanges et de dons.
Passionnée, engagée, tournée vers l’avenir, Marie-Jeanne souhaite « pousser les gens à devenir curieux, les inciter à réfléchir à ce qu’ils mangent ». Pour avoir vu l’évolution de l’agriculture paysanne vers l’agriculture industrielle, elle accorde de l’importance à tout ce que lui ont enseigné ses parents et ses grands-parents paysans. Une mémoire, des savoirs et des savoir-faire. Elle a aussi beaucoup appris au contact des personnes âgées qu’elle côtoyait dans son travail. « Les anciens étaient heureux de pouvoir parler de leur passé. »
Un grand verre d’eau pris sur la terrasse pour finir nos échanges… et une très belle vue panoramique sur le Val d’Orbey. Et cette phrase qu’elle prononce : « La terre rassemble les gens. » À méditer…
Ses astuces : la rotation des cultures (pas plus de 2 années au même endroit pour chaque culture) ; laisser des herbes qui maintiennent la fraîcheur dans les cultures ; peu d’arrosage car « plus on arrose, plus on habitue les plantes à l’eau » ; un seau d’eau avec du gros sel pour « stocker » les limaces ; « peu de soins, beaucoup d’observation ».
Paroles d’une jardinière :
« La nature donne aux plantes les moyens de vivre et de survivre. Elle sait mieux faire que nous, on a pas besoin de les trafiquer. »
« Tout ce qui pousse est de la vie et est à respecter. Je regarde deux fois avant d’arracher. »
« Gratter la terre est un besoin. Qu’est-ce qu’on fait si on a plus de jardin ? »
Deux conseils de lecture :
« Les coquelicots sont revenus », Michel Ragon
« Le cri du colibri, le roman de la Transition » (Michel Hutt)
* http://www.semencespaysannes.org
(photos FJ)